Médecin anesthésiste-réanimatrice, Élise Langouët consacre sa carrière à un double engagement : soigner les patients et faire avancer la science. De Bordeaux à Paris, de l’hôpital aux laboratoires de recherche, elle construit un parcours ambitieux, animé par une quête de sens et d’innovation.
Une vocation précoce pour la recherche
Dès les premiers pas dans son parcours médical, Élise Langouët le sait : elle veut faire de la recherche. Curieuse de nature, elle ressent très tôt le besoin d’aller au-delà de la simple application des traitements existants.
« En tant que médecin, on applique des protocoles. Mais j’avais envie d’y contribuer, d’innover. »
Afin d’explorer cette voie, elle suit, en parallèle de sa deuxième année de médecine, un Master 1 de recherche à l’Université de Bordeaux. Et là, la première initiation concrète : un stage au CNRS dans un laboratoire de neuro comportementale avec pour sujet de rapport de stage « l’addiction à la nicotine ». Cette expérience la conforte dans son envie de poursuivre sur la voie de la recherche scientifique.
Un parcours entre médecine et innovation
Après l’externat[i] , qu’elle effectue à Bordeaux, Élise se spécialise en anesthésie-réanimation. Direction Paris, où elle débute ses années d’internat[ii]. Elle participe alors à plusieurs projets de recherche clinique, tout en gardant en tête son objectif : renouer avec la recherche fondamentale.
De retour à Bordeaux, elle saisit l’opportunité d’effectuer un stage à l’hôpital cardiologique de Haut-Lévêque (CHU de Bordeaux), en anesthésie-réanimation pédiatrique, auprès d’enfants atteints de cardiopathies congénitales.
« J’ai été marquée par l’excellence des équipes soignantes bordelaises, la richesse des spécialités en cardiologie, et l’ambition collective portée par l’hôpital. »
La procédure de Fontan : réinventer la chirurgie cardiaque pédiatrique
Au sein de l’hôpital cardiologique de Haut-Lévêque, Elise obtient un poste de cheffe de clinique. Cependant l’envie de faire de la recherche ne la quitte pas. Elle parvient à aménager son emploi du temps pour intégrer le Master 2 Cardiac EP – Electromechanical Heart Diseases au sein de l’IHU Liryc. Entièrement dédié à la cardiologie, ce Master offre un programme de formation par la recherche et l’innovation à travers une approche globale et transversale. Il se clôture par un stage de 6 mois qu’Elise effectue au sein de l’équipe du Dr Zakaria Jalal, spécialiste des cardiopathies congénitales, pour travailler sur l’intervention de Fontan : une procédure chirurgicale complexe destinée aux enfants nés avec seulement un ventricule cardiaque fonctionnel.
Trois interventions successives sont nécessaires au cours de l’enfance pour mettre en place ce montage chirurgical. Mais cette solution reste imparfaite. Si elle permet la survie de l’enfant, elle n’offre pas une espérance de vie équivalente à celle d’une personne née avec un cœur sain. La seule perspective à long terme reste la transplantation cardiaque. Or, cette option se heurte à deux freins majeurs : la difficulté d’accès à la greffe et les complications post-transplantation. D’où la nécessité de retarder au maximum cette échéance, en améliorant la qualité de vie avec la circulation de Fontan. C’est là que les travaux de l’équipe du Dr Jalal prennent tout leur sens.
L’objectif : alléger le parcours chirurgical et optimiser les chances de survie. Un nouveau protocole est développé, réduisant le nombre de chirurgie à 2 et dans lequel la deuxième chirurgie est remplacée par une procédure par cathétérisme. Au lieu d’ouvrir le thorax, le médecin passe par les vaisseaux pour installer des dispositifs internes. Moins invasive, cette innovation offre de nombreux avantages potentiels : moins de douleurs, moins de risques, une récupération plus rapide. Mais les résultats, encore expérimentaux, révèlent une problématique majeure : une mortalité précoce, sans cause clairement identifiée.
« Mon rôle a été de comprendre, grâce à mes compétences en anesthésie-réanimation, pourquoi la mort intervient prématurément dans cette procédure et comment améliorer les protocoles existants. »
Les impacts cérébraux des cardiopathies congénitales : une thèse pour éclairer l’angle mort neurologique
Ne souhaitant pas s’arrêter là, Élise entame un doctorat, toujours en parallèle de son activité clinique. Elle s’intéresse cette fois à un enjeu majeur : les séquelles neurologiques des enfants atteints de cardiopathies congénitales, plus spécifiquement les enfants présentant un shunt systémo-pulmonaire c’est-à-dire une déviation du sang qui, au lieu d’alimenter les organes, est partiellement redirigée vers les poumons.
« On sait que 40 % de ces enfants développent des troubles neurologiques à long terme. Aujourd’hui, leur cœur est pris en charge, leur survie s’est améliorée. Mais le cerveau reste un angle mort : c’est souvent ce qui les handicapera le plus durablement. »
Pour répondre à cette problématique complexe, Élise rejoint l’équipe du Dr. Olivier Villemain pour s’appuyer sur une technologie de pointe développée par l’équipe, d’abord à Paris, puis à Toronto, et arrivée à Bordeaux il y a près de deux ans : l’échographie Ultrafast.
Elise Langouët poursuit sa thèse au sein du pôle Sciences de l’Imagerie de l’IHU Liryc, dans lequel s’est constituée, en 2023, une équipe dédiée à l’imagerie ultrasonore menée par le Pr Olivier Villemain dont les travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour le diagnostic précoce des maladies cardiaques.
Contrairement aux techniques classiques, cette échographie nouvelle génération permet d’observer en temps réel, et avec une grande précision, la circulation sanguine dans les vaisseaux du cerveau, y compris les plus petits, jusqu’à 100 micromètres de diamètre.
« Jusqu’ici, on n’avait pas vraiment d’outil pour visualiser en continu la perfusion cérébrale. Les IRM ou les scanners sont efficaces, mais ponctuels, limités dans le temps et peu compatibles avec une surveillance répétée.
Les capteurs d’oxygène comme les NIRS (near infraRed spectroscopy) permettent de suivre des variations sur le long terme, mais ils donnent une information globale, peu localisée. Avec l’Ultrafast, on peut voir ce qui se passe dans tout le cerveau, en direct, plusieurs fois par jour si besoin. »
Cette circulation anormale permet tout de même à l’enfant de survivre. Mais le sang oxygéné, qui devrait nourrir le cerveau, est en partie détourné. L’hypothèse est que cette déviation pourrait expliquer en partie les lésions neurologiques que l’on observe ensuite. Mais pour le démontrer, il faut pouvoir le voir, le suivre, et comprendre dans quelles conditions ces lésions apparaissent.
Images de perfusion cérébrale par échographie ultrafast.
Une médecine qui interroge, innove et relie
Engagée dans une spécialité transversale qui relie le cœur et le cerveau, Élise Langouët place le patient au cœur de ses préoccupations tout en contribuant à repousser les frontières des connaissances. À travers sa double casquette de clinicienne et de chercheuse, elle incarne une médecine pour qui soigner, c’est aussi chercher, comprendre et innover.
« J’ai découvert que la recherche, ce n’était pas seulement mettre une blouse blanche et faire des expériences en laboratoire. De l’extérieur, on peut avoir une image un peu idéalisée, mais une fois qu’on a mis un pied dedans, on se rend vite compte de la réalité : il y a beaucoup d’essais, beaucoup d’échecs aussi. Et surtout, il faut aller chercher des financements, trouver les bons leviers pour que le projet continue d’exister, pour pouvoir aller au bout. Mais malgré ces difficultés, c’est aussi un domaine où l’on peut faire des choses qu’on ne pourrait pas faire ailleurs.
On a la sensation qu’on peut vraiment changer les choses, faire avancer la médecine, et apprendre encore plus sur l’humain. C’est ce qui rend cette expérience si précieuse. »
[i] trois dernières années d’études avant le concours de l’internat, durant lesquelles les étudiants partagent leur temps entre les cours et les stages à l’hôpital.
[ii] formation spécialisée post-concours qui permet aux jeunes médecins, appelés internes, de se former pendant plusieurs années dans leur future spécialité tout en travaillant à l’hôpital.
Acquisition d’un microscope Confocal
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