Depuis quelques années, l’intelligence artificielle (IA) suscite un réel engouement en recherche et c’est une notion désormais omniprésente dès lors que l’on évoque l’imagerie médicale. Ce terme parfois un peu galvaudé, donne également lieu à de fausses idées ou nourrit des espoirs de révolution médicale. Entre deep learning, réseaux de neurones et segmentation des images, Valéry Ozenne et Maxime Sermesant, tous deux ingénieurs et chercheurs à Liryc, reviennent sur l’application de l’intelligence artificielle dans le domaine de l’imagerie en cardiologie.

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?


L’intelligence artificielle est un sujet très vaste qui consiste à mettre en œuvre un ensemble de techniques et de théories informatiques visant à simuler ou reproduire chez les machines, certains traits de l’intelligence humaine, comme le raisonnement ou l’apprentissage.


Le secteur médical est l’un des domaines d’application pour lequel l’utilisation de l’IA est des plus prometteuses. C’est ce qui a d’ailleurs conduit tous les géants de l’informatique, de Google à Microsoft, en passant par Facebook ou IBM, avec son fameux programme Watson Health, à s’y imposer très tôt.


Avec le temps, l’IA s’est très spécialisée dans le domaine médical sur l’apprentissage automatique et le deep learning. Ce processus se déroule en deux temps :

  • À partir d’une large base de données que l’on « apprend » à un ordinateur, on cherche à établir des associations statistiques qui peuvent aider à analyser, à prédire, à modéliser. Cette phase d’apprentissage nécessite un grand nombre de données et peut être relativement longue à effectuer.
  • Ensuite, il devient possible d’utiliser ce modèle pour analyser de nouvelles données et déterminer les caractéristiques ou décisions requises. Cette seconde étape est extrêmement rapide et très bien adaptée à de nombreuses situations de la vie courante. Cette rapidité d’application est une des raisons qui explique le succès de l’IA dans de nombreux domaines (conduite autonome, vidéo surveillance, analyse d’image en radiologie, …).

L’intelligence artificielle au service d’une imagerie médicale plus performante

L’IA est aujourd’hui omniprésente dans la littérature scientifique de l’imagerie médicale, d’autant plus depuis le développement de nouveaux algorithmes appelés réseaux de neurones convolutifs[1]. L’approche dite convolutive permet d’aller plus loin dans l’apprentissage de la classification des images ou des signaux.


En effet, à ce jour, l’IA est très utile dans le domaine de l’imagerie, sur deux volets : la classification des images et la segmentation des organes. Les algorithmes pour classifier les images peuvent permettre d’aider au diagnostic en classant une image dans une catégorie particulière de pathologie. Les algorithmes pour segmenter[2] les images sont couramment utilisés sur tous les types d’imagerie et en routine au CHU. C’est ainsi que l’IA permet un gain de temps aux praticiens à la fois pour le diagnostic ou lors d’interventions. Elle présente aussi l’avantage de contourner certains biais liés à l’interprétation de l’opérateur.


L’IA permet en cardiologie par exemple aujourd’hui de segmenter des cavités cardiaques de l’oreillette droite ou gauche.

L’intelligence artificielle en imagerie à Liryc


L’IA à Liryc est une thématique transverse, qui mobilise la collaboration de plusieurs équipes de recherche et clinique, avec à l’interface une équipe spécialisée, l’équipe multimodal data science[3], constituée en 2019.


Sur le volet de l’imagerie, les équipes de Liryc exploitent l’intelligence artificielle pour segmenter les images. Il s’agit de segmenter les reliefs, comme les contours des ventricules par exemple ou encore la fibrose cardiaque, particulièrement diffuse. Le travail de segmentation dans le domaine de la cardiologie est très complexe, car le cœur est un muscle en mouvement. L’IA permet de simplifier et d’accélérer le travail des équipes d’imagerie, aujourd’hui majoritairement sur les étapes précliniques, en facilitant la lecture des images.


Les méthodes de segmentation par apprentissage peuvent/pourront également être mise à profit sur le volet interventionnel en segmentant automatiquement les tissus traités lors des procédures d’ablation cardiaque par radiofréquence.


Un autre des enjeux de l’utilisation de l’IA à Liryc, réside dans l’exploitation des données segmentées grâce à des algorithmes et qui sont ensuite intégrées dans des modèles d’électrophysiologie personnalisés. L’idée est d’obtenir une réponse propre à chaque patient. L’équipe de modélisation, conduite par Edward Vigmond utilise à ces fins l’intelligence artificielle. Les algorithmes décrivent ainsi la propagation de l’activité électrique dans le muscle cardiaque.


Pour être opérationnelle/robuste, l’IA nécessite une grande base de données représentative, c’est-à-dire avec suffisamment de cas particuliers, pour optimiser l’apprentissage. Ceci est rendu possible à Liryc notamment grâce à l’exploitation des données enregistrées par les équipes de la plateforme multimodale Music[4], qui agrège de nombreux cas cliniques anonymisés.

Entre limites et perspectives futures


Si l’IA est très largement plébiscitée dans les pratiques, notamment avec la segmentation des images, elle n’a pas encore fait ses preuves à ce jour sur le diagnostic et le pronostic. En témoigne l’échec d’IBM avec Watson Health dans une étude en oncologie. L’objectif est pourtant à terme de pouvoir prédire l’évolution d’un traitement et quel médicament serait le mieux adapté. Mais à ce jour de nombreuses limites empêchent cette projection, qui irait dans le sens d’une médecine hyper personnalisée.


Pour ce faire, il faut que l’ordinateur puisse justifier en toute transparence son raisonnement, afin qu’il soit validé par les praticiens. Cette transparence devra également passer par le développement d’algorithmes avec de forts indices de confiance.


L’IA soulève également la question de la collecte des données, et de leur anonymisation, avec le recours à des politiques règlementaires très strictes, et le besoin d’infrastructures pour gérer cette collecte.


D’autres soulignent également une problématique de biais dans le développement des algorithmes d’intelligence artificielle. Le milieu de l’IA est dominé par des hommes, des ingénieurs, majoritairement blancs et appartenant aux catégories supérieures, et qui adressent des problèmes spécifiques. Entre les biais d’un opérateur humain et les biais d’un opérateur automatique, qui pourrait être le plus objectif ? En ce sens la question suivante se pose : peut-on réellement rendre l’IA meilleure que les hommes ?

Le mot de la fin…


En dépit des limites et difficultés, qui posent la question aujourd’hui de la capacité des acteurs à créer une vraie valeur ajoutée pour le secteur médical, l’IA a le mérite de valoriser les données collectées, ouvrant un champ des possibles immense.


Comme de nombreuses institutions, Liryc se projette, avec l’ambition pour l’IA d’accompagner la prédiction du risque de mort subite. Mais il faudra intégrer beaucoup de paramètres, soumis à l’interprétation des chercheurs et médecins en amont. Beaucoup de développement à construire donc, mais avec de forts potentiels.


[1] Inventé notamment par le chercheur français Yann Le Cun, les algorithmes « réseaux de neurones » reproduisent les processus de convolution/abstraction d’un cerveau. D’habitude, les algorithmes pondèrent les choix qui se présentent et choisissent une voie du milieu comme solution. Hors, le cerveau n’est pas linéaire dans sa façon de raisonner. Le cerveau agrège plusieurs informations et reçoit des stimuli extérieurs ; il fait le tri et tranche, de manière non linéaire. L’algorithme de réseaux de neurones a réussi à avoir une approche, bien que simplifiée et mathématiquement optimisée, moins linéaire, plutôt similaire à celle d’un cerveau humain.

[2] En imagerie, segmenter est une opération de traitement de l’image qui revient à dessiner les contours d’un organe, ou d’un nodule par exemple.

[3] En savoir plus sur le pôle technologie pour la santé 

[4] En savoir plus sur le projet Music

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